Est-ce que les médecins ont le droit de prescrire librement tout traitement ? Cette interrogation, bien qu’elle puisse paraître audacieuse, est tout à fait pertinente. En effet, bien que les médecins jouissent d’une certaine autonomie en matière de prescription, cela ne signifie pas pour autant qu’ils peuvent procéder sans aucune restriction ni surveillance. Quelles sont donc les véritables étendues de cette liberté et les limites qui la circonscrivent ?
Cet article explore les contours légaux, les pratiques parfois questionnables et le rôle controversé de l’Ordre des médecins pour éclaircir ce qui peut légitimement être prescrit ou non.
La législation encadrant les prescriptions médicales
Effectivement, la législation accorde aux médecins la liberté de prescrire selon leur jugement. Toutefois, cette liberté n’est ni absolue ni exempte de conditions. Elle est régulée par le Code de déontologie médicale, notamment par son article 8 :
« Dans le respect des limites imposées par la législation et les connaissances scientifiques actuelles, le médecin jouit d’une liberté de prescription […] Il est tenu de limiter ses prescriptions et ses interventions à ce qui est nécessaire pour la qualité, la sécurité et l’efficacité des soins. »
En d’autres termes, un médecin doit baser ses décisions sur :
- les recommandations médicales courantes ;
- les preuves scientifiques disponibles ;
- et l’intérêt véritable du patient.
Ainsi, prescrire un traitement superflu, non validé ou excessivement disproportionné pourrait être considéré comme une violation de ses devoirs professionnels.
Écartements malgré une réglementation stricte
Théoriquement, tout est réglementé. Cependant, en pratique, les écarts de conduite sont bien réels. Plusieurs scandales récents ont révélé les vulnérabilités de ce système.
On peut citer, par exemple :
- les cas de surprescription d’antibiotiques là où ils ne sont pas nécessaires ;
- le scandale des “Lyme doctors”, qui ont prescrit des traitements lourds sans bases d’efficacité prouvées ;
- et les prescriptions controversées lors de la crise du Covid-19, avec des traitements comme l’hydroxychloroquine, l’azithromycine ou l’ivermectine, prescrits sans fondement scientifique solide.
Ces exemples illustrent que la liberté de prescription, même régulée, peut parfois servir de prétexte à des pratiques risquées.
La position contestée de l’Ordre des Médecins
Que peut faire un patient s’il pense qu’un médecin a outrepassé ses prérogatives ? Il peut porter plainte auprès de l’Ordre des médecins, dont la mission est de faire respecter le Code de déontologie. Cependant, en réalité, cette procédure est souvent longue, complexe et source de frustrations.
Il n’est pas rare que les procédures s’étendent sur plusieurs mois, voire années en cas de recours, avant qu’une conclusion soit atteinte. De plus, certains professionnels critiquent un manque de réactivité et de rigueur.
Le Dr Jérôme Marty, ainsi que le Dr Lehmann, n’ont pas hésité à exprimer leur mécontentement :
« Derrière la façade de la liberté de prescription, certains collègues peu scrupuleux continuent d’exercer sans être inquiétés. »
En 2021, un mouvement intersyndical a même exigé la dissolution de l’Ordre des médecins, accusant celui-ci de passivité face aux conflits d’intérêts et aux pratiques douteuses.
Selon certaines associations, l’Ordre semble trop souvent indulgent envers les dérives liées à l’influence de l’industrie pharmaceutique, ou incapable de sanctionner les professionnels aux compétences discutables.
Une liberté régulée exigeant une vigilance accrue
Un médecin, donc, ne peut pas prescrire « n’importe quoi ». Sa liberté est réelle mais strictement limitée par des lois, des principes scientifiques, éthiques et un devoir de soin envers ses patients.
Cependant, le système n’est pas parfait : les dérives existent, les régulations peuvent être lentes, et le rôle des instances de contrôle est de plus en plus débattu.
Il est donc crucial pour les patients de rester informés et vigilants, et de ne pas hésiter à poser des questions ou demander des explications. Car derrière chaque prescription devrait se trouver une justification médicale solide, et non une simple habitude ou une croyance personnelle.
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